Le design au service des réseaux sociaux

 

Les réseaux sociaux font partie de notre vie quotidienne que nous le souhaitions ou non. Et tout comme les outils, sites, webapp que nous imaginons, leur expérience utilisateur·ice est poussée à son paroxysme afin de nous proposer une multitude de services.

 

Avant de commencer cet article, il est important de préciser que nous allons soulever ici les aspects les plus négatifs de la relation entre l’UX et les réseaux sociaux.

Il existe évidemment un pendant positif à cet analyse, ce n’est pas ce que nous avons choisi de traiter actuellement.

 

 

Rappel : Qu’est-ce que le parcours utilisateur ?

 

 

Lors de la conception d’un outil numérique, les designers se servent des User Flows afin de se représenter tous les parcours possibles que l’utilisateur va pouvoir emprunter.

Evidemment, plus ceux-ci sont précis, renseignés et testés, plus il est simple d’améliorer l’expérience utilisateur, et surtout de la manipuler.

 

 

Comment les réseaux sociaux fonctionnent ?

 

 

Avant de comprendre quels outils design ils utilisent, il est important de rappeler la manière dont ils fonctionnent. Par là, nous entendons quel est leur modèle économique.

 

Les réseaux sociaux les plus connus, et ceux dont nous allons parler aujourd’hui, sont des plateformes aux inscriptions gratuites.

Ainsi, si ce n’est pas par l’inscription, les réseaux sociaux génèrent leurs revenus par d’autres moyens.

 

Seulement, il ne faut pas croire que le modèle économique de ces plateformes est parfaitement identique. Leur valeur boursière n’est pas déterminée de la même manière, menant alors à des choix design différenciants.

 

Ainsi, pour Facebook, sa valeur boursière est déterminée selon la vente de nos données. Donc pour Facebook, la rétention de l’utilisateur et son engagement sont les deux objectifs les plus importants.

Plus vous restez longtemps en interagissant sur la plateforme, plus votre profil devient précis et valorisé. Ainsi, Facebook va faire des choix design favorisant vos réactions, vos émotions et votre soif d’information.

 

A l’inverse, chez Snapchat, c’est le nombre de snaps qui est valorisé. Plus les utilisateurs sont actifs, plus l’entreprise “gagne” de l’argent.

Ainsi, Snapchat va faire des choix menant à l’action, plus qu’au fait d’être passif dans le temps. Je spoile un peu l’article, mais cela se traduit par l’ouverture de l’application directement sur votre caméra, plutôt que sur vos actualités.

 

Pour citer quelques-uns des autres modèles, beaucoup fonctionnent sur la récolte de données.

Instagram ressemble évidemment à Facebook, du fait de son appartenance au groupe Meta. Instagram l’utilise cependant plus pour de la publicité ciblée. En effet l’application remplit un rôle de prescripteur auprès des utilisateurs, contrairement à Facebook.

Il faut donc rendre la publicité la plus naturelle possible. Brouiller la distinction entre les contenus commerciaux et votre feed classique. Le contenu publicitaire doit vous sembler familier.

 

Chez Youtube, ce sont également les données qui sont valorisées, de manière quelque peu différente toutefois. Ils ne cherchent pas qui nous sommes, ce que nous pensons mais ce que nous sommes en train de faire : à quelle heure nous regardons la vidéo, sur quelle plateforme, et de quoi traite la vidéo en question. C’est de cette manière qu’ils créent vos recommandations, et peuvent vendre vos données via Alphabet (le groupe Google).

Pour l’anecdote, c’est aussi ce qui créé des surprises rigolotes sur les pubs youtube. Comme mon conjoint, qui, consommant des vidéos d’outre-atlantique à grande échelle alors qu’il est français, a de la publicité pour de la saucisse fumée du Kentucky.

Les algorithmes ne sont pas parfaits.

 

Twitter quant à lui, fonctionne à l’instar de Snapchat, (du moins pour le moment, le rachat récent d’Elon Musk va peut-être faire évoluer le business model).

Plus vous tweetez, plus le cours de l’action de Twitter monte. Idem que sur Snapchat, il faut donc vous faire passer à l’action. Mais vous allez le voir, cela se traduit plutôt par des mécanismes agissant sur la confrontation de vos opinions.

 

Maintenant que cela est clarifié, nous allons pouvoir décortiquer (partiellement) comment les réseaux sociaux utilisent le design numérique pour atteindre leurs objectifs.

 

 

Les réseaux sociaux : un laboratoire à grande échelle

 

 

Imaginez, il vous vient une idée, et vous avez sous la main des milliards d’utilisateurs. De toutes origines, de tous bords politiques, de tous âges et de tous genres. Vous avez face à vous, le meilleur focus groupe qui n’ait jamais existé.

De plus, ces personnes n’ont pas payé pour avoir accès à votre service, donc il n’y a pas de biais lié à un accès tarifaire. Et ces utilisateurs sont là de leur plein gré.

 

Les réseaux sociaux deviennent alors des laboratoires géants.

 

Tandis que pour certaines entreprises, il est parfois difficile de réaliser des tests utilisateurs, pour ces plateformes, ces procédés sont très faciles à mettre en place.

C’est le summum de l’A/B testing. Alors que j’écris cet article, mon Spotify a été mis à jour, tandis que celui de ma collègue est restée à la version antérieure. Je sais pertinemment que mon usage actuel de Spotify est étudié afin d’ajuster les modifications nécessaires lors du lancement à tous les auditeurs.

 

Les réseaux sociaux sont donc en avance sur leur pratique design. De plus, ils ont un “certain” droit à l’échec.

En effet, lorsque vous cumulez des millions, voire des milliards d’utilisateurs, vous avez le droit de pousser une nouvelle interface et que celle-ci fasse un flop.

Et vous le saurez tout de suite, puisque les internautes vont utilisez votre propre plateforme pour s’en plaindre ou celle de vos concurrents (malinx le lynx).

Oui, il va y avoir un impact financier, mais celui-ci est immédiat. Les réseaux fonctionnent avec cet esprit propre à la Silicon Valley “Move fast, break things”.

Cette rapidité de réaction autorise donc le droit à l’échec.

 

Peut-on tirer du positif de ce laboratoire d’expérimentation ? Oui.

Il n’y a pas que les géants qui peuvent se targuer de faire du testing rapide via les réseaux sociaux, vous aussi !

En fonction de vos ambitions, les réseaux sociaux peuvent remplir un objectif communautaire. Vous avez donc face à vous des internautes ayant fait le choix de vous suivre et vous soutenir, ou du moins, de rester informés.

Iels représentent des mines d’or de feedback ! De plus, impliquer votre communauté permet également d’améliorer la satisfaction de de vos clients. Il ne faut donc pas hésiter à s’en inspirer.

 

 

Les réseaux sociaux : un nouveau moteur de recherche

 

 

Toujours dans l’optique de répondre à nouveau au besoin exprimé par les utilisateurs mais également, de récolter toujours plus de données (oui, on rappelle que pour certains c’est tout de même l’objectif), les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés à des fins de moteurs de recherche.

Après tout, il est aisé de constater que les réseaux sociaux sont des bouches à oreilles virtuels. Autant se servir de cet usage amené par les utilisateurs.

 

Pinterest est un très bon exemple de cette utilisation. Cette plateforme était par essence un moteur de recherche. Excepté que le résultat qui vous est donné est adapté selon les mots clés, certes, mais également selon vous.

 

Poursuivons, les résultats Google diffèrent eux, légèrement selon les internautes, mais placent la pertinence au top de son objectif. Google privilégie d’abord la précision et la rapidité.

 

Tik Tok, Instagram ? Leur pertinence c’est vous et vous seulement. Evidemment, il existe la catégorie “top” afin de mettre en avant les créateurs de contenus les plus fructueux sur le sujet recherché. Mais une fois passée cette catégorie, vous et moi n’aurons pas le même contenu.

Vous cherchez sur Instagram dans quel restaurant manger prochainement ? Je peux vous garantir que mes résultats vont tenir compte de mon alimentation végétale et de ma tendance bobo (que je le veuille ou non). Tandis que mon conjoint aura beaucoup plus de propositions de cuisine asiatique et de cuisine traditionnelle.

Même ville, même foyer, adaptation des résultats de recherche.

 

Mais, contrairement à Google, vos résultats seront d’avantage tournés vers la navigation.

Est-ce que c’est le but ? Bien sûr. Encore une fois, plus vous hésitez, scrollez, consultez, plus ils récoltent des actions de votre part, et des données.

Alors que vous attendez de Google que le premier lien soit exactement celui que vous avez demandé, vous cherchez de l’inspirationnel sur vos réseaux sociaux, de la prescription.

 

Tik Tok l’a très bien compris et a même lancé une campagne d’affichage pour promouvoir leur fonction de recherche pour les vacances, ainsi qu’une campagne vidéo pour leur communauté #booktok.

 

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Campagne d'affichage TikTok pour promouvoir sa fonction recherche

 

Un bon resto, une belle tenue, un tutoriel pour monter une étagère… Google n’est pas détrôné, bien sûr, mais les réseaux sociaux sont devenus de véritables concurrents.

 

 

Les réseaux sociaux : les sciences sociales au service de leur design

 

 

Tout d’abord, il est bon de rappeler que le design s’est toujours servi des sciences sociales. Que ce soit pour optimiser le parcours des utilisateurs, repenser l’usage, disrupter ce qui existe déjà et mener les personnes à atteindre le point voulu.

 

Nous en parlions dans notre article sur les Dark Patterns, l’UX c’est un outil, qui peut être utilisé à bon ou mauvais escient. reste à savoir comment celui-ci est utilisé. Et oui, ce n’est pas toujours pour le mieux.

 

Nous allons passer en revue certaines des théories qui sont utilisées par les plateformes et comment celles-ci vous guident EXACTEMENT là où ils le souhaitent.

 

 

Le système dopaminergique

 

Le système dopaminergique, c’est le système qui s’active et produit de la dopamine lors que vous vivez des moments plaisants, lorsque vous recevez des récompenses par exemple.

 

Ce système neuronal ne connaît pas de limite. Notre cerveau n’a pas de sentiment de satiété contrairement à d’autres de nos organes. On comprend donc ici l’aubaine pour les réseaux sociaux. Eternellement en recherche de stimuli positifs, les réseaux sociaux n’ont plus qu’à nous abreuver continuellement (coucou le scroll infini).

 

Les réseaux sociaux peuvent affecter votre humeur en jouant sur les informations plaisantes ou aversives que vous recevez. Meta en a d’ailleurs acquis la preuve grâce à une expérimentation réalisée sur son laboratoire géant, Facebook.

Le réseau social a modifié le fil d’actualité de différentes personnes, pour certains seulement des nouvelles joyeuses, des animaux, les vacances… et pour les autres les nouvelles les plus tristes de notre société.

Résultats, les personnes exposées aux nouvelles déprimantes avaient tendance à poster des messages plus tristes, plus plaintifs, voire, postaient moins.

 

Le système dopaminergique est devenu alors un pilier du fonctionnement des réseaux sociaux et va justifier tous les choix qui vont être cités par la suite.

 

Si vous souhaitez plus de compléments d’informations à ce sujet, Arte a réalisé une série appelée “Dopamine” disponible gratuitement sur Youtube. Je vous la recommande chaudement.

 

 

Le behaviorisme

 

Théorisé par Watson sous le concept de Stimulus-Réponse, ou encore connu grâce au réflexe Pavlovien, le behavorisme consiste en gros à l’association d’un stimulus et la réponse que celui-ci provoque.

 

Il en existe des naturels, le soleil vous brûle les yeux, vos pupilles se contractent.

Mais les réflexes tels que celui-ci peuvent être provoqués artificiellement, voire appris.

 

L’exemple de Pavlov et de son chien, est connu : Il associait le moment du repas de son animal de compagnie au son d’une cloche. Si bien qu’à chaque son de cloche son chien réclamait à manger.

En 1938, Burrhus Skinner enferme des souris dans une boîte qui comporte un bouton. En appuyant dessus, elles reçoivent à manger. Une fois cela appris, l’apport de nourriture devient aléatoire. Poussant les souris à presser d’autant plus le bouton dans l’espoir de recevoir de la nourriture.

 

Bon, si vous souhaitiez lire un article de psychologie, vous ne seriez pas là, alors maintenant quel est le lien avec nos réseaux sociaux ?

Tout.

 

Vous y allez pour chercher de la récompense. Sous toutes ses formes. C’est d’autant plus vrai depuis Tinder et TikTok. Ils sont les génies de la récompense aléatoire.

Vous n’avez aucune idée de ce que votre prochain swipe va vous apporter, alors dans l’espoir d’avoir toujours mieux, vous swipez.

Les carousels Instagram et LinkedIn fonctionnent avec cette même idée. D’ailleurs si on regarde les chiffres aujourd’hui ce sont les posts (images, non vidéos) qui ramènent le plus d’engagements.

 

Le pire dans tout ça ? C’est qu’au final ce n’est même plus le prochain profil Tinder qui vous apporte de la dopamine, ou encore la prochaine vidéo TikTok, mais le mouvement de swipe en lui-même. Une sorte de raccourci du réflexe pavlovien en soi. Ainsi, ce n’est pas la photo insta qui est inspirante, mais le fait de scroller pour en voir une autre.

 

Le mouvement instauré par les designers devient plus important que le contenu lui-même. D’où l’importance extrême du parcours et de l’expérience utilisateur.

 

On nous rabâche qu’il faut créer un contenu efficace, oui. Mais si l’expérience pour le consulter n’est pas à la hauteur ou ne provoque aucune satisfaction, aussi intéressant que soit le contenu, cela n’aura pas le même impact.

 

Principe du casino, les personnes ne sont pas addicts aux jeux car ils gagnent à chaque fois, mais pour la probabilité, l’espoir que les jeux continuent de procurer. Et plus la récompense est variable, plus l’addiction est forte.

 

 

Gestalt Theory : la théorie des formes

 

L’un des aspects primitif de notre cerveau, c’est son aptitude à reconnaître les formes et les couleurs. Ainsi, la théorie de gestalt ou la psychologie de la forme, c’est le fait de percevoir le monde dans une vision d’ensemble mais où chacun des éléments est différent. C’est également le fait de donner un sens à des formes qui n’en on pas initialement. De plus le cerveau ne résiste pas à remettre de l’ordre dans le désordre.

 

Nous en parlions dans notre article sur la Data Visualisation, ou encore celui des Dark Patterns.

Voici les 3 lois majeures qui en ressortent :

 

Loi de proximité : Les composants de même appartenance doivent être réunis dans une même zone.

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Loi de similarité ou de similitude : les composants ayant une fonction ou une importance similaire doivent être visuellement similaires.

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Loi de destin commun ou continuité : les composants rapprochés sont perçus dans une continuité, comme des prolongements les uns par rapport aux autres.

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Mais alors comment cela se traduit-il sur les réseaux sociaux ?

 

Comment le dit Henry David Thoreau “Simplicity is simply more effective” : La simplicité est tout simplement plus efficace.

Formes simplistes, couleurs reconnaissables, associées à une action, etc, tout est très simple visuellement sur les réseaux sociaux.

 

Cela va se traduire aussi pour les créateur·ices de contenu ou encore les community managers. L’internaute va trouver plus agréable un sentiment de continuité : dans l’harmonie de votre feed Instagram par exemple, ou encore dans la cohérence de vos carrousels, etc.

L’être humain aime la linéarité.

 

Vous trouvez peut-être cela évident ? C’est votre habitude qui parle malheureusement. Si je vous avais pitché un coeur anatomique au lieu d’une forme simple pour le like, vous m’auriez ri au nez tant cela vous semble logique. Et pourtant cela vient aussi de la théorie de Gestalt, la loi de Pragnanz ou loi de bonne figure. Celle qui permet de simplifier les éléments perçus par les utilisateurs.

 

 

La force des symboles

 

Dans la continuité de la théorie des formes, parlons maintenant des symboles. Tout comme les formes, ils ont un pouvoir de renforcement d’une information, d’identification ou encore de rétention.

 

Commençons par l’information avec le hashtag. Oui, il date, mais il reste un outil de renforcement et de mots clés puissant. Outil de tri de l’information, ou encore de caractérisation des mots clés, il a été popularisé sur Twitter et utilisé en masse sur Instagram.

Si populaire, qu’admet-on le, la génération qui arrive n’a jamais appelé ce signe “dièse” de toute sa vie. C’est désormais, un hashtag.

 

La pastille bleue, (récemment supprimée par Twitter). J’en parlerais un peu plus loin, mais elle fait figure d’autorité afin de prouver une identité. Qui est le véritable Barack Obama ? Il suffit de regarder quel compte est équipé de ce petit pin à côté de son nom pour être assuré de se connecter à la bonne personne.

 

Son symbole est si important, que lorsque celle-ci est passée payante sur Twitter, de faux comptes se sont empressés d’acheter la pastille afin de bloquer le nom. On se rappelle de Pepsi qui s’était fait avoir de cette manière. Le faux compte s’amusant alors à prôner que Coca est meilleur.

 

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Faux compte Pepsi qui tweet en faveur de la marque Coca Cola

 

Passons à un autre réseau, Snapchat.

 

Il y a des années, Snapchat arrive avec le streak. Une icône en forme de flamme qui indique le nombre de jours consécutifs pendant lequel vous échangez avec un ami.

 

1 jour, 1 streak. 230 jours, 230 streaks. Chaque jour avec échange de photos et vidéos (le tchat ne compte pas) fait augmenter le compteur : cela apporte de la gratification et augmente la fidélité.

Imaginez, vous avez ce symbole à côté du nom de votre meilleur ami, et vous en êtes à 400 jours d’échange, mais là, panique à bord, vous êtes perdus en montagne sans réseau. Aucun snap en 24h. L’icône disparait. Le drame.

 

Vous trouvez ça ridicule, mais l’humain a une aversion à la perte : il fait tout pour garder quelque chose qu’on lui a donné, même s’il ne l’a pas demandé. Et bien sûr, plus il y a de flammes, plus il y a de pression. Ainsi, avec les streaks, snapchat a créé une nouvelle routine, voire une habitude intégrée à ta vie.

 

 

L’autoplay ou l’effet Zeigarnik

 

L’autoplay, c’est ce temps de chargement assez court qui vous sépare de votre épisode suivant sur Netflix, ou encore de la vidéo d’après sur Youtube.

L’autoplay, c’est la fonctionnalité qui joue avec le fait que votre cerveau préfère l’état agréable de la passivité, plutôt que le fait de faire un choix coûteux en énergie.

Laisser activé l’autoplay, c’est faire le choix de ne pas choisir.

 

Cela est accentué par l’effet Zeigarnik, théorisé par Bluma Zeigarnik. Elle remarqua que le fait de commencer une tâche, créé une motivation d’achèvement et elle restera insatisfaite tant que la tâche ne sera pas complétée. Donc on continue de regarder du contenu, cédant au binge watching afin de satisfaire le besoin de finir cette tâche.

 

 

L’effet Ikea et le don universel

 

L’effet Ikea, c’est l’idée selon laquelle, si tu t’investis dans une tâche ou un produit, alors tu y accorderas plus d’importance et de valeur.

 

Ainsi, les applications telles que Snapchat, Tiktok ou encore Instagram nous impliquent dans la création de nos contenus. Ainsi, les effets permettent de faire croire que nous nous investissons dans nos stories.

 

Et plus on s’investit dans la fabrication de quelque chose, plus il prend de la valeur à nos yeux et aux yeux des autres.

Donc les messages sont perçus comme des récompenses du fait de l’investissement que nous y avons passé. Les messages que nous envoyons deviennent alors des dons de soi.

 

Or voilà, selon Marcel Mauss, le don a un caractère de réciprocité obligatoire. Si bien que lorsqu’on offre un tel investissement aux autres, messages, story, vidéo, on s’attend donc à une réponse.

 

Cela profite à Snapachat, qui, on le rappelle, gagne de l’argent quand vous agissez sur l’application. L’augmentation de la fréquence de réponse est donc un de leurs objectifs.

 

 

Cass Sunstein et le paternalisme libertarien

 

Les réseaux sociaux ne peuvent pas nous donner des ordres. Donc ils nous contrôlent à distance, faisant en sorte que nous suivions leurs objectifs par notre comportement.

Et oui, c’est légal, c’est la définition même du paternalisme libertarien. C’est l’idée que les institutions peuvent vous influencer tout en vous laissant votre libre arbitre.

 

Vous trouvez cela horrible ? Ne vous inquiétez pas, ils ont trouvé un bien meilleur nom depuis : Le Nudge.

Le fameux “coup de pouce”, l’idée de guider sans contraindre et de faire croire que nous avons le choix.

 

Alors, comme tout, cela peut-être utilisé à bon escient, comme la propreté des lieux publics avec cette fameuse mouche des urinoirs à Amsterdam. Afin que les hommes urinent au bon endroit.

 

Seulement voilà, les réseaux sociaux nous donnent l’illusion du choix. On entre dans une bulle de filtres où les infos sont choisies à notre insu, on commence à s’endoctriner nous-mêmes, on se complait dans notre cercle de pensée pour finir par s’engager en “attaquant” les autres qui donnent leurs opinions. C’est ce “nudge” qui nous pousse à réaliser cette action.

 

Le processus est donc comme suit : Bulle de filtreAutopropagandeRadicalisation et polarisation des propos.

 

Cela rejoint un autre aspect : la technique de la boite noire.

C’est le fait de ne pas tout comprendre de l’algorithme et donc supposer que c’est grâce à nos actions, nos notes, nos engagements etc… que nous avons ce contenu.

 

Faire croire qu’on a le choix, c’est nous rendre obéissant·es.

 

 

Le FOMO

 

Le FOMO c’est l’abbréviation pour “Fear of Missing Out”. La peur de manquer de quelque chose, un événement, un fait social.

Ironiquement, c’est un phénomène qui existait déjà, qui a été amplifié par les réseaux sociaux, et dont les réseaux sociaux se servent aujourd’hui. Un véritable cercle vicieux.

 

Twitter sait parfaitement user du FOMO, en effet le rafraîchissement de la page Twitter est très rapide, on parle ici en quart d’heure maximum.

Cela donne l’illusion qu’il se passe des choses tout le temps puisque la page nécessite de se recharger. Il se peut même que le rafraichissement soit non désiré. La frustration est alors importante, et l’internaute souhaite revenir là où il en était, toujours dans cette idée de ne pas avoir fini ce qu’il a commencé, et de louper une information qui est capitale. Il va donc scroller pour réatteindre le point où il était.

 

Instagram s’en sert également comme déclencheur pour son application. Instagram c’est l’apogée de la validation sociale. Ainsi pour prouver notre valeur et combler cette anxiété du FOMO en montrant que nous aussi, nous vivons une vie formidable, nous postons sur Instagram.

 

 

Les biais cognitifs

 

Un biais cognitif, c’est un défaut dans le traitement de l’information, une fausse logique, un schéma trompeur. Et ces biais cognitifs sont renforcés par le design dans les réseaux sociaux. Voici quelques-uns des biais renforcés sur les réseaux sociaux :

 

Biais d’autorité : Figure d’autorité qui désigne la tendance. Représentée par la pastille sur Instagram et Twitter (RIP).

 

Biais de confirmation : Ce biais nous pousse à voir et croire les informations qui amplifient nos propres croyances, valeurs et convictions. Ce biais est totalement renforcé par l’algorithme (suggestions, recommandations etc…). Nous en parlions dans l’article sur le streaming. Pour reprendre l’exemple, Netflix choisit les vignettes selon vos préférences. Ainsi, pour la série Narcos, tandis que des ami·es vont avoir la vignette représentant le traffic de drogue (la storyline de la série), moi, j’ai Pedro Pascal. Bon. Sans surprise.

 

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Mon conjoint a malheureusement partagé son compte Netflix avec moi. Avant il avait la “vignette” de base, maintenant, il y a Pedro.

 

Plus sérieusement, en comparant avec ma collègue Anaïs nous avons des différences sur les personnes mises en avant. Eh bien cela se passe de la même façon pour vos recommandations youtube ou suggestions Twitter.

 

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Mon compte Netflix mettant en avant Chandler et Holt

 

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Le compte de ma collègue Anaïs mettant en avant Rachel et Peralta

 

Histoire d’être sûr, que vous soyez d’accord avec ce pour quoi vous êtes déjà d’accord.

Enfin, cela renforce le biais de retournement. Car en renforçant vos opinions, vous renforcez le fait de vouloir prouver aux autres qu’ils ont tort.

 

 

Pour conclure

 

 

Si nous passons des heures chaque jour sur les réseaux sociaux, ce n’est pas de la pure fainéantise, c’est que de par leur fonctionnalité et leur design, ils savent comment nous retenir.

 

Allez, n’hésitez à nous suivre sur nos réseaux ?

 

A bientôt ?