L'édito de Meuto : L'illectronisme

Les chiffres sont hallucinants, suivant les études, entre 17% et 19% des français seraient en situation d’illectronisme.

L’illectronisme c’est l'incapacité d’un adulte à accéder et maitriser un service numérique de façon autonome. Alors on se doute que pour les anciens, c’est pas toujours facile mais on se dit assez rapidement que ce n’est pas la cible du produit et donc on évacue trop rapidement le sujet.

 

Mais la fracture numérique ce n’est pas seulement des personnes âgées qui appellent leurs petits-enfants à la rescousse. Ce sont toutes les personnes qui n’ont pas accès au matériel nécessaire (ordinateur, caméra, imprimante, wifi, etc...) et qui sont dans des situations bien souvent précaires ; toutes les personnes qui ne parlent pas la langue, toutes les personnes qui sont en zone blanche (c’est-à-dire sans connexion internet), tous·tes celleux qui ont abandonné, qui n’ont pas pris le train du numérique (25% des 50-64 ans, et 15% des moins de 35 ans tout de même).

 

On se dit que les jeunes sont nés avec le numérique, ils sont sur leur téléphone tout le temps, ils savent. Sauf qu’aller sur Instagram, poster des commentaires, c’est effectivement le quotidien. En revanche, déclarer ses impôts, faire du traitement de texte, des feuilles de calcul, ce n'est pas forcément acquis.

 

Si le facteur humain n’est pas facile à faire passer (et c’est bien triste) auprès des commanditaires, peut-être que l’argument économique jouera. Qui peut se priver d’un 1/5 de la population ?

 

Alors quelles sont les conséquences ? Et bien comme on peut l’imaginer, dans un monde de plus en plus connecté, ce n’est pas génial. Déjà, cela génère un stress incroyable lorsque l’on doit utiliser un ordinateur. On se sent bête, on se sent exclu. Mais en plus de ce sentiment affreux, cela peut générer des problèmes plus graves :

 

  • accès aux droits;
  • décrochage social (sentiment d’exclusion);
  • accès au savoir/à l’information;
  • accès à une grande partie de l’emploi;
  • accès à certains services (publics ou non) uniquement disponibles en ligne;
     

Pour vous sensibiliser au stress ressenti, mettons-nous à la place de Corinne, 54 ans, couturière :

 

“Je n’ai pas de téléphone portable, juste un vieil ordinateur que m’a donné ma fille et elle m’a pris une box internet.

 

Je dois faire un changement de carte grise. Ce service n’est plus disponible que sur internet. J’arrive à aller sur le site (celui de l’ANTS - Agence Nationale des Titres Sécurisés), mais il me demande un mot de passe.

 

Je n’en ai pas... France Connect, c’est bien mais j’ai toujours eu un problème avec les mots de passe. Il y en a trop, je les oublie tout le temps et les démarches de récupération sont trop compliquées.

 

Après un appel à ma fille, j’y arrive.

 

Le vocabulaire est trop complexe, je ne m’y repère pas du tout, c’est dur, je me sens bête.

 

J’arrive à faire la demande tout de même. Il me demande de payer pour finaliser.

 

Je rentre ma carte, il me demande un portable pour l’envoi du SMS de confirmation, je n’en ai pas… J’ai seulement un fixe. J’abandonne.”

 

Alors comment peut-on pour simplifier la vie de Corinne et de tous les autres ?

 

J’entends beaucoup parler de formation, et il y a beaucoup d’associations qui font ça super bien (Emmaüs Connect, www.lesbonsclics.fr, etc...), les enceintes connectées ont beaucoup aidé aussi. Pour ma part, je suis convaincu que c’est aux concepteur·ices du numérique (designers, product owner, product manager, développeurs, etc.) de prendre le sujet en main. On doit prévoir des services plus accessibles.

 

Voici quelques conseils à appliquer :

  • Offrir des repères visuels : les fils d’Ariane permettent de bien comprendre où nous sommes, essayer également de ne pas changer les structures de page, de garder une consistance et des repères visuels stables.
  • Guider : bien hiérarchiser les actions prioritaires pour l’utilisateur et les mettre en évidence, on offre toujours des portes de sortie, même dans les tunnels de conversion.
  • Anticiper tous les freins et les traiter : organiser des tests utilisateurs avec des personnes éloignées du numérique.
  • Alléger les sites pour les connexions lentes : faire attention aux images, aux nombres de requêtes, aux maps, etc...
  • Faire des efforts sur l’accessibilité : bien vérifier les tailles des polices, les contrastes, etc.. vous pouvez retrouver nos conseils à ce sujet sur cet article “Nos bonnes pratiques en accessibilité numérique”.
  • Faire du responsive : de ce fait, on multiplie les possibilités d’accès en fonction du matériel de l’utilisateur.
  • Faire attention au vocabulaire qu’on utilise : se rendre le plus accessible possible dans notre façon de parler (coucou le secteur public et tous ses acronymes !).
     

Aller, haut les coeurs ! Si on simplifie la vie de Corinne, on simplifie celle de tous les autres utilisateurs aussi ! On a confiance en vous !
 

N.B : A ce sujet, la direction interministérielle du numérique lance un podcast de 4 épisodes intitulé “Appuyez sur la touche étoile”. Les 4 épisodes raconteront les péripéties de quatre protagonistes naviguant dans la complexité que peut être le numérique.
 

Sources :